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L'art des papiers découpés, la nature, les chats,les beaux textes... Parce que Beauté et Bonté vont de paire au bout du chemin, ce chemin que l'on parcourt seul dans son petit coeur mais toujours avec la présence des autres de près ou de loin.

Un texte de Philippe Claudel, écrivain

Dans une société qui fait comprendre aux étrangers qu'ils le sont, le resteront, et ne seront jamais les bienvenus, qui laissent mourir de faim et de froid des gens dans la rue, qui abandonnent ses vieillards, qui valorise des systèmes policiers après avoir organisé la déconsidération de ses professeurs et l'affaissement de leur mission, qui privilégie les grandes fortunes et tolère la misère sans trop s'en scandaliser, sans rien faire pour y remédier, dans cette société-là beaucoup d'entre nous, parce qu'ils ne se reconnaissent pas dans les miroirs modèles qu'elle leur tend, soit parce qu'ils sont trop vieux, trop noirs, trop arabes, trop juifs, trop faibles, trop malades, trop handicapés, trop chômeurs, trop à bout d'espoir, trop à court d'argent, beaucoup d'entre nous pensent à un moment qu'ils ne sont  <<rien>>.

Je crois important de leur dire qu'ils se trompent.

Je crois essentiel de leur faire comprendre que chaque individu, chaque être humain est indispensable à la société dans laquelle la vie lui a fait prendre place.

Je crois que c'est le devoir de chacun d'entre nous de signifier à l'autre qu'il est tout pour nous et que c'est grâce à lui et à tous les autres proches ou lointains, que nous sommes ce que nous sommes. Je veux dire par là que l'humanité n'a de sens que si elle prend en compte l'ensemble des êtres qui la constituent, dans leur diversité, dans leur différence, dans leur force, et dans leurs faiblesses;

Etre un homme, ce n'est pas rejeter, ce n'est pas abandonner, ce n'est pas exclure, c'est intégrer, c'est aider, c'est soutenir, c'est fortifier l'autre. La vie ne doit pas être un combat, comme certain veulent nous le faire croire. L'idée de compétition n'est belle que dans des cadres sportifs. Dès qu'elle quitte l'enceinte des stades elle devient dangeureuse comme une gangrène, et prépare la voie à des comportements et des théories que l'on a hélas trop connus et selon lesquels les êtres sont forcément inégaux, qu'ils y a des forts, des faibles, les gagnants se devant d'éliminer à court terme les perdants, de les exterminer, de les réduire à néant.

Le métier d'homme est sans nul doute le plus difficile qu'il soit d'exercer. son originalité tient à  ce que nous devons tous l'exercer; il ne faut pas l'oublier; et je suis persuadé que ce métier , qui débute dans les premiers temps de la concsience de l'individu et ne s'arrête qu'à sa mort, ne peut avoir de sens s'il n'est pas soutenu et orienté par une force essentielle qui est l'amour. Seul l'amour,qui peut prendre tant de formes et s'exercer de tant de façons différentes, est une boussole suffisamment aimantée pour permettre aux hommes de tenir le cap et d'édifier ensemble une société digne de ce nom.

Aimer l'autre, c'est l'écouter, le regarder, le soutenir, le distraire, le toucher des yeux ou des mains,le fortifier. c'est avant tout le respecter et lui redonner une dignité quand il pense l'avoir perdue. je suis un croyant sans Dieu. Ou peut-être ai-je remplacé ce Dieu des églises, que j'ai tant connu jadis, par ce dont j'essaie de parler: cet amour immodéré et protéiforme qui devrait toujours irriguer nos âmes et nos veines, dicter nos gestes et nos choix, nos engagements, nos politiques. c'est une grande lueur mais qui peut devenir faible flamme si on ne l'entretient pas. Et combien d'entre nous, de même qu'ils pensent n'être rien, se croient également loin de tout amour? je ne veux pas que l'on crée une nouvelle catégorie, une odieuse étiquette de plus, qui signerait une nouvelle faillite: après les <<sans-abris>>, les <<sans-emploi>>, les <<sans-ressources>>, faudrait il parler des <<sans-amour>>? A nous tous de la rendre impossible.

Certains diront sans-doute que je suis bien naïf, qu'il serait temps que je grandisse, que le monde est une jungle. oui, je suis naïf. Oui, je demeure un enfant, c'est à dire quelqu'un qui garde sa faculté d'émerveillement, de rêve et d'espoir, qui pense qu'on peut déplacer les montagnes et abattre les murailles, transformer les jungles en jardin, quelles qu'elles soient. Je préférerais toujours la naïveté au cynisme, qui est une forme d'égoïsme de l'âme et n'aboutit qu'à la misanthropie. Les autres sont la plus belle part de moi-même. Ils sont à mon image, effrayants et somptueux. je ne suis ni meilleur ni pire qu'eux;Je compte sur eux pour développer ma beauté et faire taire ma laideur.Je tente de leur rendre la pareille. j'essaie de le leur dire dans mes livres et dans ma vie. Chaque geste et chaque regard peuvent être un présent. Chaque mot, une main tendue. Chaque étreinte, un lendemain. Soyons des hommes, tout simplement, même si c'est bien cela le plus difficile.

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